Interview

A partir d'une interview de Jean Schwarzkissingbear :

1) Commençons par le commencement : pouvez-vous vous présenter et revenir rapidement sur l’histoire du groupe ?

The Pitch : 1989. Je réponds à une annonce : un groupe de Lyon, (Ultime Folie, pop new Wave immature, paroles en français, genre Indochine tu vois), cherche un guitariste. Le batteur s'en va pour divergences musicales. Il reste le bassiste (Éric), le chanteur (Christophe, un chanteur cheveux en l'air qui chante comme Indochine, en pire) et moi le guitariste qui possède une boîte à rythmes. Le groupe s'oriente immédiatement vers la Cold Wave. Des compos se font très rapidement. Christophe transforme sa voix dans les graves. En six mois, un album (cassette) est prêt : Urban Line.
Un concept album (CD) sort en 1993 : Loreen. Eric nous quitte car il n'aime pas le côté noir.
Art Decade travaille avec des danseurs pour différents projets (entre autre un spectacle de 45 minutes : The Stone).
En 1996, nous sommes dépassés par le projet du nouvel album. Trop complexe, problèmes personnels, divergences de points de vue... Séparation.

Christor : J'avais totalement arrêté la musique. J'ai toujours espéré qu'Art Decade était un groupe en sommeil et qu'il se reformerait. Je trouvais regrettable qu'on n'ait pas pu finaliser le troisième album.

The Pitch : On se voyait régulièrement, amicalement pour boire des bières et évoquer le bon vieux temps. Le succès du myspace a été un détonateur. "Bon sang, il y a des gens qui aiment Art Decade. Ça devait être bien alors!! » Nous avons réécouté les bandes du troisième album. La qualité technique était bonne. On a donc décidé de le terminer. Et depuis, on boit aussi des bières, mais on fait aussi de la musique.

2/ Un petit mot sur Bowie, vu le nom de votre groupe ?

Christor : Il est clair que David Bowie est un des artistes majeurs du 20e siècle. Art Decade ne s'est pas forcément inspiré de sa musique, mais plutôt de l'homme caméléon cherchant en permanence, et tout au long de sa discographie, à s'intéresser à différents styles musicaux. J'ai choisi le titre d'une de ses chansons, car nous voulions pour Urban Line, notre premier album, rendre un hommage aux musiques des années 80 (Art Decade = décennie de l'art). D'ailleurs cet album commence avec le morceau « 1980 » et se termine avec « 1990 » d'où la décennie de l'art.

3/ Vous officiiez dans un style qui n’est pas forcément très populaire… Pensiez-vous de l’époque que c’était « le bon temps », que vous vous êtes formés à un moment où c’était plus facile qu’aujourd’hui pour ce genre de groupes où s’agit-il du fantasme type « c’était mieux avant » ?

The Pitch : Sans doute les années 80 étaient très sombres : Cure, Joy Division, une large frange des jeunes se reconnaissaient dans leur musique. Les premiers morceaux que j'ai composés (1979/80) sonnaient « Cure » avant que je connaisse ce groupe. Cette musique était partout (à Lyon que je connais bien) : des particuliers avaient aménagé leur cave perso et on y voyait des groupes bizarres, on y allait sans les connaître. Il y avait un réel « mouvement ». On a très vite été connus à Lyon quand on a créé le groupe : réseau de fanzines,distributeur, organisateur de concerts. Oui, c'était plus facile.
Reconnaissons qu'en ce moment, le revival permet de remettre cette musique au goût du jour, et ça marche (très bons groupes d'ailleurs : The Killers, The Editors... ).

4/ D’ailleurs, si vous êtes toujours en contact ou impliqués dans la scène gothique actuelle, comment percevez-vous cette scène avec le recul qui peut être le vôtre justement ?

The Pitch : Je suis un peu ennuyé par les clivages entre les différentes musiques. J'ai organisé par exemple un concert « dark » il y a 3 ans. Les groupes étaient gênés de jouer avec d'autres groupes de qui ils se sentaient très différents, alors que moi, je considérais un peu cela pareil. C'était du reste un peu comme cela il y a 20 ans, tous les groupes faisaient partie d'une même mouvance mais il existait des "chapelles".

Christor : Je ne me reconnais pas dans cette appellation « gothique ». Je reste attaché au terme Cold-Wave. Mais je suis d'accord avec toi. J'ai été ravi d'entendre des sons similaires à ce qu'on entendait dans les années 80. Je me sentais chez moi. Parfois, j'entends même des bouts de morceaux d'Art Decade, c'est dire. Cela nous a réconforté .

The Pitch : D'autant plus que notre musique, même si elle a une basse Cold, s'oriente de plus en plus vers des rivages progressifs.

5/ Quels sont les groupes qui vous font triper aujourd’hui ?

Christor : Je ne renie pas les groupes des années 80. Je suis toujours fan de ce que j'écoutais il y a 20 ans : Sisters of Mercy, Norma Loy, Coil, Siouxsie, Cocteau Twins, Depeche Mode...En ce moment je peux aussi écouter de la Pop comme Blur, Radiohead, Muse, Arcade Fire.

The Pitch : Moi, j'aime l'Indie Pop : Modest Mouse, The Unicorns, Ghinzu... Il faut avouer que nous sommes des voraces de musiques actuelles. Internet y est pour beaucoup. Le téléchargement m'a fait connaître des centaines de groupes.

Christor : Je pourrais te citer des groupes plus ou moins connus comme : Midnight Juggernauts, Klaxons, MGMT, The Preset, Empire of the Sun.

6/ Et maintenant, parlons du nouvel album. C'est la continuation du travail précédent ou s'agit-il d'une rupture ?

The Pitch : Non, ce n'est pas une rupture. Nous progressons dans un domaine sans savoir vraiment quel genre de musique nous faisons. Les morceaux sont toujours longs, il y des solos de guitare, beaucoup d'arrangements. La grande nouveauté, c'est les choeurs. Comme sur le premier morceau, on adore faire sonner les harmonies avec des voix graves. Autrement, on essaie de varier nos morceaux et nos orchestrations.

7/ Quel est votre processus créatif ?

Christor: Là aussi, il y un changement. Auparavant, Pitch amenait une idée musicale. Si elle était bonne, je trouvais une idée de chant, puis de textes. Sur Novö Lüxo, c'est l'inverse qui s'est produit. Je venais avec des idées enregistrées sur mon Iphone. Pitch proposait une ligne de basse et des idées d'arrangements.

The Pitch : Ça a l'air simple dit comme cela. Il ne faut pas croire. Nous avons beaucoup plus travaillé que les albums précédents. Il faut dire que Christor n'est jamais satisfait. Parfois, je travaillais une idée pendant une semaine, puis il écoute : "Non, c'est nul, il faut tout refaire !" C'est un vrai cauchemar de travailler avec lui ! (rires !)

Christor : Ça valait le coup quand même non ?

The Pitch : D'ailleurs, le label MUSEA a décidé de le distribuer. On n'a pas travaillé pour rien...

Christor : Nous sommes vraiment fiers de cet album.

8/ Vous êtes maintenant distribués par un gros label de musique progressive. Vous en écoutez beaucoup ?
Christor : On a toujours adoré cela. The Pitch m'a fait connaître Genesis (période Peter Gabriel). Les Pink Dots se sont inspirés de Pink Floyd. Les Pink Dots nous ont influencés. On aime les morceaux qui changent et qui ne sont pas seulement couplet/refrain. Enfin, on n'est pas un groupe de Progressif, hein ! On mélange les styles, c'est tout. Notre base, c'est avant tout la Cold.